Nous parlons régulièrement du braconnage et de trafic illégal, mais qu’en est-il du commerce autorisé par la communauté internationale ? L’ONG TRAFFIC a publié cette semaine une analyse de la faune et de la flore exportées de l’Afrique vers l’Asie. Les résultats sont étonnants, regardez plutôt.
975 espèces exportées dont 152 reptiles
De l’aveu de ses auteurs, le but de cette étude est d’apporter un éclairage nouveau sur les marchés légaux des espèces sauvages inscrites à la CITES, l’organisation qui régule la commercialisation de la faune et de la flore. Ne vous attendez donc pas à voir le commerce des cornes de rhinocéros – autorisée mais uniquement entre les frontières de l’Afrique du Sud – ou le trafic des défenses d’éléphants dans les lignes ci-dessous.
Les données de TRAFFIC proviennent de neuf années de suivi et d’analyse, de 2006 à 2015. Il en ressort que près de 41 pays africains exportent des produits issus d’espèces inscrites à la CITES en direction de 17 pays d’Asie. 51 types de produits différents ont été répertoriés, mais trois dominent le marché : le commerce de spécimens vivants, celui de peaux et enfin celui de la chair animale. Ces exportations légales touchent près de 975 espèces différentes parmi lesquelles quelques animaux très menacés comme l’anguille d’Europe ou le perroquet gris du Gabon. Toutefois, le top 3 des animaux les plus exportés n’est pas considéré comme menacé par l’UICN. Il s’agit du crocodile du Nil – Crocodylus niloticus -, de la tortue léopard – Stigmochelys pardalis – et du python royal – Python regius. Vous l’aurez compris, les reptiles constituent le taxon le plus représenté avec pas moins de 152 espèces impliquées.
Les exportations d’animaux vivants
La première cause d’exportation légale de l’Afrique vers l’Asie semble être le marché des animaux domestiques et, depuis 2006, il est en progression ! 1 393 003 spécimens vivants ont été exportés – plus ou moins – en toute légalité sur ces neuf années, soit près de 420 animaux chaque jour. La tortue léopard est l’espèce la plus commercialisée. 80 % des exportations proviennent de la Zambie tandis que l’Afrique du Sud s’est, elle, spécialisée dans l’exportation des oiseaux et des mammifères. A l’autre bout de la chaîne, Singapour, le Japon et Hong Kong sont les pays qui importent le plus d’animaux vivants. Ceux-ci sont issus en partie de l’élevage en captivité, mais le prélèvement en milieu naturel se poursuit. Il était de 58 % en 2006 et est tombé à 34 % en 2013.
Le commerce de peau et de fourrure
Le crocodile du Nil représente à lui seul 91 % des 1 558 794 peaux exportées par l’Afrique en Asie entre 2006 et 2015. Le Zimbabwe et la Zambie sont les principaux exportateurs mais 16 autres pays participent à ce commerce visiblement lucratif. Une nouvelle fois, Singapour et Hong Kong sont les principaux importateurs. Les 9 % de peaux restantes appartiennent notamment à des varans du Nil et à des otaries à fourrure d’Afrique du Sud, principalement commercialisées par la Namibie. Contrairement aux animaux vivants, cette fois-ci le prélèvement en milieu sauvage est en augmentation. 64 % des peaux vendues en 2012 provenaient de la captivité contre seulement 24 % en 2015. Cette tendance aurait de quoi inquiéter car le prélèvement en milieu naturel est l’une des causes d’extinction de nombreuses espèces, notamment la tortue d’Egypte.
L’exportation de la viande animale
Sur les 41 pays africains qui exportent en direction de l’Asie, seulement huit vendent de la chair animale. Ce marché ne concerne que trois espèces : le crocodile du Nil, qui représente encore une fois 76 % des exports, suivi des otaries à fourrure d’Afrique du Sud et de l’anguille d’Europe – Anguilla anguilla – espèce très menacée. C’est en Corée du Sud qu’on importe le plus ce poisson dont s’est fait une spécialité l’Afrique du Nord et particulièrement le Maroc et la Tunisie.
A chaque pays sa spécialité !
Car chose étonnante, si 975 espèces sont exportées hors d’Afrique, seulement 18 % sont commercialisées par deux pays à la fois ! A chaque Etat sa spécialité donc : si le Togo vend des scorpions, la Tanzanie, elle, propose aux pays asiatiques des dents d’hippopotame. Madagascar pour sa part exporte du bois mais est le seul pays à commercialiser des amphibiens vivants !
Comme un clin d’œil à ces chiffres, cette semaine, 21 des plus importantes entreprises du web se sont unies en une Coalition mondiale contre le trafic de faune sauvage en ligne. Parmi elles, Google, Facebook, Instagram, Pinterest, eBay ou encore Alibaba se sont engagées à travailler ensemble pour réduire collectivement de 80 % le trafic d’espèces sauvages sur leurs plates-formes d’ici 2020. Cette victoire est l’œuvre de trois associations qui ont réussi à réunir ces grands noms du business et à leur faire entendre la cause de la biodiversité : WWF, IFAW et… TRAFFIC, l’auteur du rapport sur l’exportation de la faune sauvage d’Afrique en Asie.
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