Les pays riverains de la mer Caspienne ont signé dimanche 12 août un accord qualifié d’historique au niveau politique et économique. Au niveau environnemental en revanche, les retombées s’annoncent beaucoup plus mitigées voire inquiétantes. En effet, la mer Caspienne est le berceau de nombreuses espèces qui pourraient disparaître.
Un accord pour garantir les règles d’utilisation de la mer Caspienne
Avant la chute de l’URSS, la mer Caspienne n’était bordée que de deux pays : l’Iran et l’ancienne Russie. Mais avec la création du Kazakhstan, de l’Azerbaïdjan et du Turkménistan, la donne a changé sur les rives de la plus grande mer fermée du monde. En conflit depuis plus de vingt ans sur les droits de chacun à exploiter les richesses du site, les cinq pays se sont mis d’accord sur « un traité international qui contient un ensemble détaillé et complet de règles et d’obligations sur l’utilisation de la mer Caspienne », explique Vladimir Poutine, président de la Russie. « Cette convention sera garante de la sécurité, de la stabilité et de la prospérité de la région », poursuit Noursoultan Nazarbaïev, président du Kazakhstan. De prospérité économique, c’est bien de cela qu’il est ici question. La Caspienne abriterait dans son sol pas moins de 50 milliards de barils de pétrole et 300 000 milliards de m³ de gaz naturel, des ressources qui pourraient effectivement amener la prospérité à la région mais nécessitent des forages, des pipelines, des gazoducs, des extractions et donc des fuites d’hydrocarbures. Or, la mer Caspienne est aussi l’habitat d’une faune et d’une flore rares et déjà très menacées.
Grand esturgeon et phoque de la Caspienne, deux espèces très menacées
Parmi les joyaux de la Caspienne, il y a certes les hydrocarbures mais également le béluga européen ou grand esturgeon – Huso huso – une espèce de poisson classée en danger critique (CR) d’extinction par l’UICN. Sa population mondiale a diminué de 90 % au cours des soixante dernières années à cause notamment de la surpêche de l’espèce pour ses précieux oeufs : le caviar. John Roberts, analyste collaborant avec l’Atlantic Council interrogé par Libération, pense que l’accord pourrait être bénéfique à l’esturgeon grâce à un « régime de quotas clair et commun pour les eaux de la Caspienne. » Toutefois, la construction d’infrastructures et le forage des sols ne peut qu’aller à l’encontre de la protection de l’un des derniers habitats de l’espèce. Une inquiétude renforcée par le fait que la pêche de l’espèce réglementée par les accords de Washington ou CITES pourrait échapper à toute protection légale. Et c’est là le tour de force des cinq acteurs de l’accord : la mer Caspienne n’est désormais plus ni une mer – ni un lac – deux appellations qui permettraient au droit international de s’appliquer, mais elle bénéficiera selon le vice-ministre russe des Affaires étrangères d’un « statut légal spécial ».
Au-delà de l’avenir du béluga européen, d’autres espèces végétales et animales vont se retrouver menacées par l’activité accrue en mer Caspienne. Parmi elles, Pusa caspica – le phoque de la Caspienne – une espèce en danger d’extinction (EN) qui a décliné de plus de 70 % ces vingt dernières années. Ce phoque est endémique de la mer Caspienne où il est chassé pour sa peau et sa graisse.
Seul espoir pour ces animaux, que la contestation vienne de l’un des cinq pays signataires de cet accord car le président iranien a déjà prévenu que toute action internationale serait considérée comme de l’ingérence : « La mer Caspienne n’appartient qu’aux pays de la Caspienne ».
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