Des scientifiques du Département de microbiologie fondamentale (DMF) de l’Université de Lausanne à Dorigny, dirigés par le professeur Philipp Engel, se sont lancés dans une étude intrigante utilisant des abeilles domestiques occidentales (Apis mellifera) pour répondre à une question fondamentale sur le microbiote intestinal : les hôtes fournissent-ils des nutriments essentiels à leurs bactéries natives, permettant la colonisation ?
La recherche, publiée dans Microbiologie naturelle le 15 janvier 2024, révèle des informations fascinantes sur la relation symbiotique entre les abeilles et leurs bactéries intestinales.
Microbiote simple
L’abeille, connue pour produire du miel, présente un système d’étude du microbiote intestinal plus simple que celui de l’homme, avec un microbiome constitué d’une vingtaine d’espèces bactériennes seulement.
Dans le laboratoire du groupe Engel, les abeilles sont élevées sans bactéries intestinales puis introduites dans des espèces bactériennes spécifiques pour coloniser leur intestin.
Snodgrassella alvi
Dans leur étude, le Dr Andrew Quinn et le doctorant Yassine El Chazli ont étudié comment les bactéries intestinales se comportent lorsque les abeilles sont nourries uniquement avec de l’eau sucrée, dépourvues d’autres nutriments. Ils se sont concentrés sur une bactérie particulière, Snodgrassella alvi, qui ne peut pas métaboliser le sucre mais qui pourtant colonise l’intestin des abeilles dans ces conditions.
Comment la recherche a été menée
Prouver l’hypothèse selon laquelle les abeilles fournissent directement des nutriments essentiels à S. alvi était un défi. En collaboration avec l’équipe du professeur Anders Meibom, experte en technologie NanoSIMS (Nanoscale Secondaire Ion Mass Spectrometry), ils ont mené une expérience utilisant le glucose avec les isotopes 13C.
Les abeilles ont ensuite été colonisées par S. alvi et les intestins fixés ont été examinés par microscopie électronique et NanoSIMS. Ce processus leur a permis de créer une image 2D montrant que les cellules de S. alvi étaient enrichies en 13C, indiquant que les abeilles synthétisaient de la nourriture pour leurs bactéries intestinales.
De nouvelles informations critiques
Cette recherche met en évidence une synergie métabolique complexe entre les abeilles et leur microbiote intestinal, qui pourrait être cruciale pour comprendre la vulnérabilité des abeilles au changement climatique, aux pesticides ou à de nouveaux pathogènes. Par exemple, il a été démontré que l’exposition au glyphosate rend les abeilles plus sensibles aux agents pathogènes et réduit l’abondance de S. alvi dans l’intestin.
« Il s’agit d’un merveilleux exemple de collaboration scientifique de pointe et véritablement interdisciplinaire », a déclaré Meibom. « Lorsque nous travaillons ensemble de cette manière, peu d’environnements universitaires dans le monde ont plus à offrir. »
Implications plus larges
Le Dr Quinn, co-auteur principal de l’étude, suggère que cette approche pourrait s’étendre à d’autres micro-organismes intestinaux, se nourrissant potentiellement de composés dérivés de leurs hôtes. Il spécule en outre que ces découvertes pourraient expliquer la nature spécialisée et conservée du microbiote intestinal des abeilles. Les recherches de l’équipe mettent en lumière l’impact potentiel des facteurs de stress environnementaux sur l’équilibre délicat entre les abeilles et leurs bactéries intestinales, ce qui pourrait contribuer à leur vulnérabilité croissante.
Ainsi, l’étude représente une avancée significative dans la compréhension des interactions complexes au sein des écosystèmes du microbiote intestinal. Cela ouvre de nouvelles voies de recherche sur la manière dont des mécanismes similaires fonctionnent chez d’autres espèces, y compris les humains, et sur la manière dont ces interactions affectent la santé globale et la résilience des organismes hôtes.
Cette recherche révolutionnaire approfondit non seulement notre compréhension des relations symbiotiques dans la nature, mais souligne également l’importance de préserver ces écosystèmes délicats au milieu de défis environnementaux croissants. Les enseignements tirés de cette étude pourraient conduire à des stratégies plus efficaces pour protéger les populations d’abeilles, qui sont cruciales pour la biodiversité et la productivité agricole dans le monde.
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