Une nouvelle étude menée par l’Université Concordia au Canada a découvert que la géosmine – un composé chimique âcre présent dans le sol humide – agit comme un signal d’avertissement (ou « aposématique ») pour certaines espèces de vers comme Caenorhabditis elegans. Le signal provenant du sol humide indique que les bactéries dont les vers sont sur le point de se nourrir sont toxiques et doivent être évitées.
Ainsi, la présence de géosmine déclenche le sens du goût des vers aveugles, tout comme les couleurs vives d’une chenille ou les épines d’un poisson-globe signalent la présence de prédateurs. Ces signaux d’avertissement indiquent aux animaux de garder leurs distances s’ils veulent survivre.
Les scientifiques ont utilisé plusieurs types de C.elegans – un nématode de quelques millimètres de long trouvé partout dans le monde, y compris aux pôles – pour tester cette hypothèse. Dans un premier temps, ils ont observé les mouvements et les comportements des vers sur des plaques de gélose contenant de la géosmine, mais aucune trace de bactérie. Les vers ont réagi négativement au composé chimique, se déplaçant rapidement avec de fréquents changements de direction. Il est intéressant de noter que les nématodes mutants dont les neurones liés au goût ont été retirés se sont comportés normalement en présence de géosmine.
Dans une deuxième expérience, les chercheurs ont inclus des souches de Streptomyces coelicolor bactéries sur les assiettes (un type de bactérie dangereuse et souvent mortelle pour C.elegans), et découvert que les vers qui étaient exposés de manière concomitante à la géosmine (qui en soi n’est pas toxique pour eux) évitaient de se nourrir de la bactérie. Cependant, les vers dont les neurones gustatifs ont été retirés ont dévoré avec impatience les bactéries toxiques, avec des conséquences fatales prévisibles.
« Grâce à notre étude, nous avons découvert que la géosmine Streptomyces coelicolorune bactérie toxique pour C. elegans, ne semble avoir aucun rôle autre que celui de signal », a expliqué l’auteur principal de l’étude, Brandon Findlay, professeur agrégé de chimie et de biochimie à Concordia. « Cela n’aide pas les cellules à croître, à se nourrir ou à se diviser. Il ne repousse pas directement les prédateurs. Cela semble juste être là à titre d’avertissement.
Selon le professeur Findlay et ses collègues, bien que l’étendue des utilisations biologiques de la géosmine ne soit pas encore complètement comprise, cette étude offre un nouvel aperçu de la façon dont les bactéries et leurs prédateurs interagissent et comment évoluent des comportements complexes tels que l’évitement des toxines.
« La géosmine semble donc agir comme un signal d’alarme indiquant le caractère désagréable de ses producteurs et réduisant la prédation d’une manière qui profite aux prédateurs et aux proies. Cela suggère que la signalisation moléculaire peut affecter les interactions microbiennes prédateur-proie d’une manière similaire à celle des marqueurs visuels bien étudiés des proies animales venimeuses », ont conclu les auteurs.
L’étude est publiée dans la revue Microbiologie appliquée et environnementale.
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Par Andreï Ionescu, Espèces-menacées.fr Rédacteur
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