Des trois espèces d’écrevisses originellement présentes en France, l’écrevisse des torrents – Austropotamobius torrentium – est la plus menacée. Pour lutter contre son déclin, un programme de conservation lancé en 2017 prévoit notamment la réintroduction de jeunes individus élevés en captivité. L’événement aura lieu courant octobre.
La réintroduction d’écrevisse des torrents
C’est l’histoire d’un petit crustacé de moins de 10 cm proche de la disparition en France, où il est classé sur la liste rouge nationale des espèces en danger critique d’extinction (CR). Localisée en Lorraine et en Alsace seulement, l’écrevisse des torrents a été décrite pour la première fois au XIXème siècle avant de tomber dans l’oubli et d’être considérée comme disparue. Redécouverte au début des années 1990, des actions sont alors mises en place pour sauver l’une des trois seules espèces d’écrevisses originaires de notre territoire, avec l’écrevisse à pattes blanches – Austropotamobius pallipes – et l’écrevisse à pattes rouges – Astacus astacus – respectivement classées vulnérable (VU) et en danger d’extinction (EN). Plus récemment, un programme de conservation a été lancé en 2017 par la DREAL Grand Est en collaboration avec l’Agence française pour la biodiversité (AFB), le Parc naturel régional des Vosges du Nord, l’Agence de l’eau Rhin-Meuse et la Citadelle de Besançon, à la fois site historique et parc animalier. C’est d’ailleurs dans ce dernier qu’une quarantaine d’écrevisses des torrents ont été envoyées au printemps 2017 pour se reproduire. L’aquarium de la Citadelle est également le seul site d’élevage d’aprons du Rhône au monde. Grâce à ces reproductions en captivité, des opérations de réintroduction sont organisées pour tenter de sauver les espèces menacées. C’est le cas pour un certain nombre d’Austropotamobius torrentium qui découvriront les eaux douces sauvages courant octobre. Une opération semblable a eu lieu l’an dernier mais elle n’a pas permis de récolter suffisamment de données sur l’adaptation des écrevisses, excepté une importante mortalité constatée durant leur mue. En effet comme tous les crustacés, l’écrevisse des torrents doit, pour grandir, se débarrasser de son exosquelette avant d’en créer un nouveau. Pendant ce laps de temps, l’animal est bien sûr particulièrement vulnérable, dépourvu de toute protection.
Les causes du déclin d’Austropotamobius pallipes
Le programme de conservation de l’écrevisse des torrents est une nécessité absolue pour l’espèce qui continue à décliner en France. Une enquête sur sa répartition réalisée en 2014 avait recensé quatre foyers de population. Deux ans plus tard, il n’en reste plus que trois et, en 2018, plus que deux. L’espèce est pourtant protégée par la loi « pêche » de 1984 et la directive « habitats-faune-flore » de 1992, qui classe l’écrevisse à pieds blancs et Austropotamobius torrentium comme espèces d’intérêt communautaire dont les habitats doivent être protégés. Quelles sont alors les causes de la disparition de l’espèce ? Il y en a trois principales :
- La concurrence d’espèces invasives de crustacés. Aujourd’hui, on recense six espèces exotiques dans nos cours d’eau, dont la célèbre écrevisse américaine et sa compatriote l’écrevisse rouge de Louisiane, dotées toutes deux d’une forte capacité d’adaptation et particulièrement résistantes.
- La dégradation de la qualité de l’eau : pollutions diverses, déviation des rivières, aménagement de barrages, etc. Or, l’écrevisse des torrents aime l’eau de bonne qualité et très oxygénée, comme la mulette perlière.
- L’aphanomycose, également appelée peste de l’écrevisse. Il s’agit d’un champignon particulièrement toxique apparu en Europe vers 1875, sans doute véhiculé par les espèces invasives. Elle a décimé de nombreuses espèces à travers le continent.
Cette réintroduction de jeunes écrevisses des torrents dans un cours d’eau douce du Parc naturel régional des Vosges est menée en parallèle d’autres opérations visant à sauver l’espèce. Des adultes seront notamment prélevés dans une population sauvage pour être relâchés dans un cours d’eau anciennement occupé par l’espèce. Le but final étant de multiplier les foyers de population et de sauver l’écrevisse des torrents française.
par Cécile Arnoud
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