En 2007, il ne restait qu’une trentaine de ces félins dans la nature. La situation semblait irréversible et cette sous-espèce condamnée à l’extinction. Des mesures d’urgence ont donc été prises, et le pari s’est révélé gagnant : début 2018, on estime que la population sauvage de léopards de l’Amour (Panthera pardus orientalis) a triplé, passant à 103 individus.
Une aire protégée pour le léopard de l’Amour
Le parc national « Terre du léopard » a annoncé la bonne nouvelle le 5 avril 2018 dans un communiqué de presse : avec la réserve naturelle de Kedrovaïa Pad qui se trouve juste à côté, cette zone protégée regroupe désormais 87 panthères de l’Amour adultes et 19 juvéniles (dont 7 adolescents). C’est la première fois depuis plusieurs décennies que cette sous-espèce de léopard dépasse les 100 individus à l’état sauvage. Surtout, c’est le signe que la création en 2012 de cette aire protégée dans la province russe du Primorsky Krai, à la frontière de la Chine et de la Corée du Nord, était la bonne solution. Une opération de la dernière chance qui aurait pu ne jamais voir le jour, car lorsque la communauté scientifique se penche sur la disparition inquiétante du léopard de l’Amour, au début des années 2000, plusieurs pistes sont alors évoquées. Dont celle de « capturer les 30 derniers individus sauvages pour assurer leur survie en captivité », raconte le conseiller WWF Russie pour la branche Amour, Yury Darman, au magazine The Revelator. L’idée consistait notamment à les protéger du braconnage qui constitue l’une des principales menaces, mais aussi de surveiller la reproduction en évitant au maximum les risques de consanguinité auxquels Panthera pardus orientalis est très exposé en raison du faible nombre d’individus adultes existants. Finalement, l’idée est abandonnée au profit d’une autre initiative proposée par la branche russe du Fonds mondial pour la nature et le gouvernement de Moscou. Controversé à ses débuts, le projet est adopté en 2012 : un parc national baptisé « Terre du léopard » est créé.
Surveillance et nombre de proies accrus
Contrairement à ce que son nom laisse penser, cette aire protégée de 360 000 hectares est également un sanctuaire pour le tigre de Sibérie (Panthera tigris altaica) avec qui la panthère de l’Amour entre parfois en compétition pour la recherche de nourriture. Mais sur ce point, le parc national se veut rassurant. « Ici, les félins ne rencontrent plus de problème pour trouver des proies : la densité d’ongulés y est élevée et nous abritons de nombreux chevreuils », détaille Terre de léopard dans le communiqué. Les proies préférées des léopards et des tigres sont venues repeupler ces territoires reboisés et autrefois pâturés par du bétail. En ce qui concerne le braconnage, des patrouilles circulent régulièrement. De quoi dissuader d’éventuels malfaiteurs de tenter leur chance dans les environs.
Et puis, l’amélioration des techniques de surveillance a permis de mieux suivre l’évolution des individus dans la nature et donc de mieux assurer leur protection. Les techniques de comptage ont elles aussi progressé. Plus de 400 pièges photos ont été disséminés dans le parc national pour capturer des images de ces félins solitaires et très dispersés sur leur aire de répartition. Les léopards sont ensuite comparés les uns aux autres et identifiés grâce à leurs taches uniques pour chaque individu. Auparavant, les scientifiques comparaient les empreintes de pattes dans la neige, ce qui n’était pas suffisant pour fournir des données précises.
La situation du léopard de l’Amour en Chine
De l’autre côté de la frontière, en Chine, un groupe de léopards de l’Amour existerait également. Malgré l’absence de données exactes, des chercheurs chinois et américains estiment cette population entre 5 et 7 individus contre 3 seulement il y a quelques années. Pour Yury Darman, ce mieux s’explique par une prise de conscience de la part de Pékin, qui commence à fournir de nouveaux efforts pour protéger Panthera pardus orientalis. Trois zones protégées viennent d’être créées, de nombreux pièges posés par des braconniers ont été retirés tandis que des pièges photographiques ont été installés pour étudier les déplacements des léopards de l’Amour et leur nombre de ce côté de la frontière. Chine et Russie devraient comparer leurs différentes données très prochainement afin de travailler de concert à la préservation de cette sous-espèce de léopard. Un bel espoir pour toutes les autres aujourd’hui proches de l’extinction, comme le vaquita, et qui montre qu’avec des efforts de conservation, tout est possible.
par Jennifer Matas
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