L’ouragan Matthew s’est abattu sur les Caraïbes de fin septembre à octobre 2016. Sa force – les rafales de vent ont dépassé les 200 km/h – et sa longévité ont surpris les météorologues. Mais en plus des vies humaines disparues et des dégâts matériels occasionnés, la faune et la flore ont elles aussi payé un lourd tribut. Aux Bahamas, les chercheurs ont longtemps pensé que l’ouragan Matthew avait précipité l’extinction de la sittelle des Bahamas (Sitta insularis), à tort semble-t-il.
Redécouverte en 2018
Avant 2016, le sort de l’espèce était déjà critique et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) la classait dans la catégorie « en danger » (EN). Au milieu des années 2000, on estimait qu’il existait moins de 1 200 individus matures dans la nature. Alors, lorsque les vents violents ont balayé l’archipel dans lequel évolue Sitta insularis, arrachant tout sur son passage, on a craint le pire. Surtout que plus personne ne l’avait aperçue depuis juin 2016. Deux équipes de chercheurs ont donc décidé de monter au printemps 2018 une expédition pour savoir si l’oiseau avait bel et bien disparu. La première se composait de deux étudiants de l’université d’East Anglia, Matthew Gardner et David Pereira, en partenariat avec Birdlife. Pendant trois mois, ils ont arpenté Grand Bahama, seule île de l’archipel dans laquelle vit la sittelle des Bahamas, et plus précisément les milieux forestiers. « Nous avons parcouru la forêt pendant environ six semaines et avons presque perdu espoir, déclare Matthew Gardner dans des propos rapportés par Birdlife. A ce moment-là, nous avions déjà parcouru 400 des 700 kilomètres restants. Et puis j’ai soudainement entendu son appel distinctif et j’ai vu la forme incomparable d’une sittelle descendant vers moi. J’ai crié de joie ! » La deuxième équipe de chercheurs dirigée par Zeko McKenzie de l’université de Loma Linda et soutenue par l’American Bird Conservancy, est elle aussi tombée sur la sittelle des Bahamas, dans la même zone forestière.
L’espèce est au bord de l’extinction
Malheureusement, l’ouragan Matthew ne semble avoir épargné qu’une poignée de sittelles. « On pense qu’il ne reste que deux individus, laissant l’espèce au bord de l’extinction », écrit en effet Birdlife sur son site internet. L’équipe de l’université d’East Anglia n’a en effet jamais observé deux sittelles ensemble et celle de l’université de Loma Linda pense avoir aperçu un couple avec un juvénile. Mais rien de plus en trois mois d’expédition, ce qui est inquiétant. « Nous pensons que les chances d’éviter l’extinction de cet oiseau sont aujourd’hui très minces, estime le docteur Diana Bell de l’université d’East Anglia. Mais cela ne doit pas empêcher les efforts de conservation dans la pinède des Caraïbes car il s’agit d’un habitat important pour d’autres espèces d’oiseaux endémiques, comme l’hirondelle des Bahamas (Tachycineta cyaneoviridis), la paruline à gorge jaune (Setophaga dominica) et la paruline des Bahamas (Geothlypis rostrata). »
Une population décimée en peu de temps
Décidément, le déclin de la sittelle des Bahamas aura été rapide et brutal. Entre 1969 et le début des années 1990, des chercheurs ont en effet révélé que le nombre d’oiseaux avait chuté de 90 % dans la nature. Il faut dire que les ouragans et les incendies de forêts à répétition ont largement contribué à la disparition de l’espèce, mais pas seulement. La sittelle des Bahamas est également gravement menacée par les espèces invasives comme le serpent des blés (Pantherophis guttatus) qui la chasse ou l’étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) et le moineau domestique (Passer domesticus) avec qui elle est en compétition pour les ressources. Sitta insularis est aussi menacée directement par la déforestation qui détruit son habitat.
par Jennifer Matas
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