Bien connu pour occasionner d’importants dégâts dans l’agriculture avec le campagnol des champs et le campagnol provençal, le campagnol terrestre est un rongeur qui jouit souvent d’une mauvaise image. Faisons sa connaissance.
Description du campagnol terrestre
Aussi appelé rat taupier, anciennement Arvicola terrestris, et maintenant Arvicola amphibius – à ne pas confondre avec le campagnol amphibie qui, lui, a pour nom scientifique Arvicola sapidus – le campagnol terrestre appartient à la famille des Cricétidés, et à la sous-famille des Arvicolinés qui regroupe 13 espèces. Il a plutôt mauvaise réputation en raison des ravages qu’il est capable de produire dans les cultures et de ses pics de pullulation qui rendent la cohabitation avec l’homme parfois difficile.
Caractéristiques physiques
Le campagnol terrestre ressemble fortement au campagnol amphibie. Sans études plus poussées, la seule façon de distinguer les deux espèces et d’observer le milieu dans lequel elles vivent : tandis que le campagnol amphibie vie près de cours et étendues d’eau, le campagnol terrestre a plutôt un mode de vie prairial, avec une tendance de fouisseur un peu comme la taupe.
De façon plus générale, le campagnol terrestre réunit toutes les caractéristiques du campagnol, à savoir un corps plutôt rond et trapu de couleur brune et une queue relativement courte. Les yeux sont petits les oreilles peu visibles, le pavillon étant caché sous la fourrure.
« Tous les campagnols se ressemblent beaucoup, avertit Patrick Giraudoux, fin connaisseur de l’espèce et professeur émérite d’écologie à l’Université de Franche-Comté. Celui-ci est néanmoins plus gros que la moyenne avec un poids moyen de 80 grammes pouvant aller jusqu’à 120 grammes pour les plus gros. Soit le triple du campagnol des champs ! »
Au total, on a jadis défini 36 sous-espèces de campagnols terrestres, et deux écotypes selon l’habitat :
- le campagnol terrestre semi-aquatique ;
- le campagnol terrestre fouisseur.
« La taxonomie de cette espèce vient tout juste d’être débroussaillée. En fait, on ne distingue génétiquement que 4 lignées dans cette espèce, 3 plutôt aquatiques et 1 plutôt terrestre (dite fouisseuse) », reprend le professeur d’écologie. Son nom scientifique est donc Arvicola amphibius, bien qu’il s’agisse du campagnol terrestre et non du campagnol amphibie. « Dans ces cas, c’est toujours la première description qui l’emporte… »
Régime alimentaire
Le rat taupier est folivore, autrement dit, il se nourrit de feuilles, de tiges et de racines de végétaux.
« Le campagnol terrestre mange beaucoup de racines, surtout l’hiver, et de feuilles en croissance », note Patrick Giraudoux.
Tout comme le campagnol des champs, avec qui il lui arrive de partager les mêmes habitats, à la différence que comme son nom le laisse entendre. En revanche, le rat taupier se nourrit beaucoup plus en souterrain qu’à la surface comme son cousin.
Comportement
Si on le surnomme « rat taupier » alors qu’il ne s’agit ni d’un rat, ni d’une taupe, c’est qu’il y a une raison : son mode de vie souterrain. Le campagnol terrestre s’expose en effet peu à la surface, et donc à la menace de prédateurs comme le renard, la buse, la martre, le milan royal ou la fouine.
Pour cela, il creuse des galeries ou colonise celles déjà creusées par des taupes, chassant ces dernières en périphérie des prairies. « Une coopération involontaire entre ces deux espèces et qui rend plus difficile le suivi des populations », note Patrick Giraudoux. Les taupes ainsi expulsées ne reprendront possession de leurs galeries qu’une fois que la densité de population des campagnols réduira (voir plus bas « reproduction du campagnol terrestre ».
« Arvicola amphibius rongeur laisse des indices de sa présence en surface : ce sont ces tumuli qu’on appelle par abus de langages des taupinières. »
Habitat
L’aire de répartition du campagnol terrestre est très étendue, de l’Europe jusqu’à l’Asie de l’Est. En France, l’espèce est présente partout, à l’exception de la Bretagne. « Elle n’est pas non plus présente dans le pourtour méditerranéen », ajoute le spécialiste.
Son habitat de prédilection : la prairie. En Franche-Comté ou encore dans le Massif Central, les pullulations de campagnols terrestres ont été assez importantes à partir des années 1970. Cela s’explique par une modification des pratiques agricoles avec, dans ces régions, une spécialisation dans la production laitière – et notamment de fromage – tandis que les cultures de céréales se faisaient d’avantage en plaine.
« Les labours ont laissé place à des prairies permanentes pour certifier un produit de qualité avec des vaches nourries à l’herbe, ce qui a favorisé les pullulations qu’on a connues par la suite, et qui ont atteint une grande ampleur dans les années 1970. »
Statut du rat taupier
A la différence du campagnol amphibie, le campagnol terrestre n’est pas considéré comme une espèce menacée à l’échelle internationale. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) le classe dans la catégorie « préoccupation mineure » (LC).
Cependant, l’espèce est menacée dans deux pays : l’Angleterre et l’Ecosse. Là-bas, les populations qui ont un mode de vie plus proche de celui du campagnol amphibie – donc proche des cours d’eau – se sont effondrées en raison de la destruction ou dégradation de leur habitat naturel et sa prédation par le vison d’Amérique. « Or, ce rongeur a une image très positive au Royaume-Uni, en partie grâce aux livres de Beatrix Potter, une écrivaine britannique qui dessinait notamment le rat taupier dans ses histoires pour enfants. Dans ces pays, l’espèce est protégée », explique Patrick Giraudoux.
En France, le campagnol terrestre n’a pas de statut particulier, comme c’est le cas pour la plupart des rongeurs. L’espèce n’est donc ni protégée ni classée comme « susceptible d’occasionner des dégâts », comme c’est le cas pour le putois ou le renard par exemple.
En revanche, il existe un arrêté datant de 2014 qui fixe ce qu’il est possible de faire pour « contrôler les populations de campagnols nuisibles aux cultures », c’est-à-dire trois espèces de campagnols :
- le campagnol terrestre,
- le campagnol des champs,
- le campagnol provençal.
Dans le viseur notamment, l’utilisation des produits à base de bromadiolone, un anticoagulant largement employé dans l’agriculture à partir des années 1970 pour lutter contre ces rongeurs, et dont les conséquences sur la biodiversité ont été catastrophiques.
« On s’est rendu compte que le campagnol était sensible aux anticoagulants, alors on a mis au point tout un tas de produits – dont le bromadiolone – pour tenter de les éradiquer. Le problème, c’est qu’en utilisant ces produits, on a aussi empoisonné les prédateurs du campagnol (renard, buse, etc.) qui s’intoxiquaient en mangeant le petit animal. Or, les prédateurs sont des auxiliaires, ils permettent de réguler les populations de campagnols et sont donc des alliés des éleveurs. C’était une véritable spirale infernale », explique Patrick Giraudoux.
L’utilisation de ce produit n’est plus autorisée depuis le 1er janvier 2021. Déjà depuis le début des années 2000, son usage avait diminué fortement grâce aux résultats de recherche qui ont conduit à la mise en place d’autres outils de régulation, sous forme d’une boite à outils combinant lutte très précoce et ciblée, rotation des cultures, piétinement des prairies par le bétail e retour des haies, protection des prédateurs, etc.
Reproduction du campagnol terrestre
N’importe quel agriculteur un jour confronté à une pullulation de campagnols terrestres le dira, cette espèce se reproduit vite. « Un seul couple peut être à l’origine de la naissance d’une centaine de petits au cours d’une année », prévient Patrick Giraudoux.
Une femelle peut en effet avoir plusieurs portées par an – jusqu’à 4 dans la même année – avec à chaque fois 4 petits en moyenne. Mais ces petits se reproduisent rapidement, ce qui fait qu’on arrive bien à une centaine de naissances par an par emboîtement générationnel.
Mais attention, si le campagnol terrestre est connu pour ses pics de pullulation, ceux-ci ne durent pas dans le temps. Ils s’étendent en moyenne sur 3 à 6 ans puis les populations reviennent à des niveaux inférieurs sans qu’on sache pourquoi. « C’est très étonnant, souligne le professeur d’écologie. On pense que la prédation peut jouer un rôle régulateur quand les densités de populations sont faibles, mais pas quand elle est forte comme en cas de pullulation. Alors, pourquoi cet effondrement soudain ? Cela reste un mystère… On suppose que les maladies peuvent jouer, couplée à de la prédation peut-être. »
Comme tous les autres campagnols, le campagnol terrestre n’a pas une espérance de vie très longue. « A la naissance, elle est de quelques mois seulement, puis d’un an au maximum. Au bout d’une année, toute la population est renouvelée. »
Plus d’informations sur cette espèce : « Le campagnol terrestre, prévention et contrôle des populations », Pierre Delattre, Patrick Giraudoux, éditions Quae, novembre 2009, et « Les rongeurs de France », Jean-Pierre Quéré, Henri Le Louarn, éditions Quae, décembre 2011.
2 Réponses to “Le campagnol terrestre ou rat taupier”
06.04.2024
ozendopeut-être un ratopier qui vient sefaire pardonner
21.07.2021
Robert MagaliExcusez moi bonjour
J’ai eu des rats dans mon appartement j’ai malheureusement dû employer un dératiseur j’ai horreur de tuer…mais…
Et maintenant une sorte de campagnol vient manger les croquettes de mon chat est ce possible ? Il doit faire 25 cm à votre avis il vient du parc ou de la forêt? de prairies ou de canalisations?