![cestmed](https://www.especes-menacees.fr/wp-content/uploads/2017/02/coralie-balmy-et-tortue-642x300.jpg)
En janvier 2017, nous avons décidé de soutenir les actions du CESTMed, le seul centre de soins français dédié aux tortues marines de Méditerranée. Coralie Balmy, la chargée de projet événementiel de l’association, a accepté de répondre à nos questions.
Cécile Arnoud : Quelles espèces recueillez-vous au CESTMed ? Combien de tortues et pour quels types de blessures ?
Coralie Balmy : Le CESTMed est le seul centre de soins français dédié aux tortues marines de Méditerranée. Notre champ d’action est très large puisque nous nous déplaçons sur tout le littoral méditerranéen français, jusqu’à Monaco. En 2016, nous avons traité 68 tortues : 42 ont pu être soignées et relâchées à la mer, 23 étaient malheureusement déjà mortes avant notre intervention, échouées. Ces 65 tortues étaient des caouannes, l’espèce la plus répandue en Méditerranée [NDLR : Caretta caretta, classée vulnérable par l’UICN]. Il était également trop tard pour 3 tortues d’autres espèces, une tortue verte et 2 tortues luths. 90 % des reptiles que nous soignons sont des tortues prises dans des filets de pêche. Nous travaillons en bonne intelligence avec les pêcheurs du Grau-du-Roi afin qu’ils nous préviennent quand ils pêchent par accident une tortue. Les 10 % restant sont constitués de tortues échouées, un comportement classique pour une tortue en difficulté ou malade. Les animaux qui nécessitent des soins sont en général blessés aux pattes ou à la carapace à cause des hélices des bateaux mais nous constatons que chaque tortue examinée, qu’elle soit blessée ou non, a au moins 10 grammes de plastique dans le système digestif.
CA : Quel pourcentage de tortues recueillies sont ensuite réintroduites en milieu naturel ? Un suivi est-il mis en place ?
CB : En 2016, 100 % des tortues que nous avons soignées ont pu être réintroduites en Méditerranée mais même celles que nous récupérons échouées sont quand même étudiées afin de comprendre les causes de leur mort.
![association tortue](http://www.especes-menacees.fr/wp-content/uploads/2017/02/suivi-tortue-CESTMED.jpg)
Le suivi satellite d’une tortue libérée par le CESTMed.
Avant de relâcher les animaux en mer, nous suivons toujours le même protocole. Les tortues sont transférées dans un centre de réhabilitation que nous avons aménagé dans un bras de mer grillagé de cinq hectares sur le canal du Ponant à La Grande Motte. Elles y passent de quelques jours à une semaine afin de réapprendre à se nourrir seules, puis nous les ramenons au centre pour une dernière pesée avant de les relâcher au large. Pour nous permettre d’étudier leur comportement, certaines tortues sont équipées d’une balise sur la carapace. En 2016, nous avons pu poser cinq balises sur des tortues matures, un nombre qui s’explique par le prix de l’appareil : 5000 € par balise. Une fois la tortue relâchée, le signal émet pendant environ un mois, à chaque fois que la tortue remonte à la surface. Grâce à ces données, nous retraçons le parcours des reptiles en Méditerranée, visible sur notre site internet. Une tortue parcourt environ 30 km par jour dans l’eau !
CA : En dehors du centre de soin, le CESTMed possède également un pôle scientifique, quel est son rôle ?
CB : Notre objectif est la conservation des espèces de tortues marines de Méditerranée. Pour cela, Delphine, la scientifique de l’équipe, travaille avec d’autres centres de soins européens spécialisés dans les tortues, mais également avec le CNRS et l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) de Sète, sur une base de données commune au niveau national et international.
Nous suivons un protocole scientifique strict qui consiste à collecter un maximum de données et d’échantillon : poids et taille de l’animal et échantillons de sang. Ces données sont transférées au Museum National d’Histoire Naturelle de Paris où se situe le groupe « tortues marines France ». Les prélèvements sanguins sont à la fois envoyés au CNRS de Montpellier qui détermine à quelle population la tortue caouanne appartient, celle d’Atlantique ou celle de Méditerranée, mais également dans un laboratoire italien qui effectue une toxicologie pour étudier les traces de particules présentes dans le sang des tortues.
Notre pôle scientifique a également vocation à tester de nouvelles technologies qui permettraient d’éviter que les tortues ne se prennent dans les filets des pêcheurs. Enfin, nous effectuons de nombreuses interventions pédagogiques dans les écoles et les collèges de la région, souvent à l’initiative d’un professeur. Nous nous déplaçons également dans les hôpitaux pour intervenir auprès d’enfants malades. Nous sommes également contactés par des associations pour des actions de sensibilisation. Malheureusement, beaucoup de gens ne savent pas qu’il y a des tortues marines en Méditerranée.
CA : Le centre est hébergé au sein de l’aquarium du Grau-du-Roi, quels liens entre les deux institutions ?
![CESTMED](http://www.especes-menacees.fr/wp-content/uploads/2017/02/intérieur-centre-de-soin.jpg)
Le CESTMed est actuellement composé de 11 bassins pour tortues marines.
CB : Uniquement matériel ! En fait, Jean-Baptiste, notre directeur, est un ancien de l’aquarium du Grau-du-Roi alors, quand il a décidé d’ouvrir un centre de soins pour tortues, le Seaquarium a proposé de l’héberger, mais cela va changer d’ici un an. Nous allons emménager dans un bâtiment indépendant, un ancien hôpital de 1 400 m² destiné à être rasé, que la mairie nous a donnés. Actuellement, nous disposons de 11 bassins dans le centre de soins mais dans les futurs locaux, nous proposerons en plus du centre un musée, un restaurant, une boutique et une salle de conférence. Les visiteurs pourront découvrir le fonctionnement d’un centre de soins grâce à des hublots. Le but est que le CESTMed devienne indépendant financièrement grâce aux activités qu’il propose. A l’heure actuelle, nous vivons grâce aux dons de particuliers et d’entreprises.
CA : Je suis en vacances en Méditerranée et je vois une tortue qui semble mal en point. Quel comportement adopter ?
CB : Si vous voyez une tortue en difficulté sur une plage, la première chose à faire est de ne pas la toucher pour éviter toute transmission de bactéries, dans un sens comme dans l’autre. Vous pouvez ensuite appeler les pompiers, la brigade nautique, le Réseau Tortues marines de Méditerranée Française (RTMMF) ou le centre de soins directement. Qui que vous appeliez, nous serons de toute façon prévenus puisque le CESTMed est le seul centre de soin habilité en France pour les tortues marines de Méditerranée. Si l’observation se fait en mer, il faut appeler les CROSS, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, qui sont les seuls à pouvoir intervenir.
En 2016, les 68 tortues soignées par notre association nous ont été amenés par des pêcheurs, signalés par des particuliers, mais aussi par des aquariums et des vétérinaires vers qui les vacanciers se tournent parfois.
A savoir, nous savons que des tortues pondent sur le littoral français, malheureusement nous n’avons jamais pu étudier ce phénomène car la ponte et les éclosions ont lieu entre mai et août, en pleine saison estivale où les plages sont très fréquentées. Donc si vous apercevez une tortue en train de pondre, ou même des œufs, surtout ne les touchez pas et appelez-nous !
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Numéros utiles :
Le Réseau des Tortues Marines de Méditerrannée Française (RTMMF) :
au 06 64 79 54 23 pour la Méditerranée continentale
au 06 09 38 81 03 pour la Corse
le CROSSMed (04 95 20 13 63)
Si vous apercevez une tortue blessée sur la plage : CESTMed, 06.24.47.51.55
Si vous apercevez une tortue blessée en mer : CROSS Med La Garde, 04.94.61.71.10
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