Si aucune donnée précise n’existe concernant la population mondiale du poisson napoléon, l’UICN estime que la pêche a causé la disparition de 50 % des effectifs de l’espèce en l’espace de trois générations. Cheilinus undulatus est aujourd’hui classé « en danger » d’extinction.
Description du poisson napoléon
Le napoléon, aussi appelé labre géant, est l’un des poissons les plus imposants des récifs coralliens : s’il mesure en moyenne une soixantaine de centimètres, les adultes peuvent dépasser 2,3 mètres pour près de 200 kg. Au contraire du mérou goliath dont le corps est très large, le napoléon est plutôt fin : on dit qu’il est « comprimé latéralement ». L’espèce présente un dimorphisme sexuel évident : le mâle se distingue de la femelle grâce à une bosse frontale proéminente, située juste au-dessus des yeux. Celle-ci grossit avec le temps et a par ailleurs donné son nom à l’espèce : elle rappelle le fameux couvre-chef de Napoléon, le bicorne.
Le napoléon adulte ne peut donc être confondu avec aucune autre espèce, et les juvéniles sont eux aussi facilement identifiables : alors que les adultes ont le corps bleu-vert, les plus jeunes sont dans les tons gris ou vert pâle. Autre signe distinctif de ce poisson, deux bandes noires descendent du haut de sa tête jusqu’à ses lèvres épaisses, elles aussi caractéristiques de l’espèce, en passant par les yeux. Elles s’estompent avec les années sans jamais entièrement disparaître.
Localisation et habitat
L’aire de répartition du napoléon englobe une cinquantaine de pays. D’est en ouest, elle comprend toute la région indo-pacifique, de la mer Rouge en Afrique à la Polynésie française au milieu du Pacifique. Du nord au sud, elle s’étend du Japon jusqu’à Madagascar et jusqu’au nord-est de l’Australie, dans la région de la Grande Barrière de Corail.
Cheilinus undulatus est un poisson des récifs coralliens, où il vit entre 20 et 100 mètres de profondeur. Diurne et sédentaire, le napoléon est relativement facile à observer : plusieurs sites de plongée touristique abritent au moins un individu. La journée, ce poisson se nourrit de mollusques, de crustacés ou d’étoiles de mer, dont l’acanthaster pourpre, une espèce invasive particulièrement nuisible aux coraux. Une fois la nuit tombée, il se cache dans une grotte pour s’y reposer.
Reproduction du labre géant
Selon la région du monde, le napoléon se reproduit à des périodes différentes ; de grands rassemblements de Cheilinus undulatus, dénombrant entre 10 et 100 spécimens, peuvent ainsi être observés toute l’année. Une fois la ponte effectuée par la femelle, les oeufs se dispersent dans l’eau au gré des courants et les larves, après éclosions, se fixent sur le substrat. Elles y grandissent alors pendant une période encore indéterminée.
Au cours de son développement, le napoléon change de sexe : on dit qu’il présente un hermaphrodisme successif. Ce phénomène peut prendre trois formes :
- l’individu est d’abord mâle puis, au cours de sa croissance, devient femelle. On parle de protandrie.
- l’individu est d’abord femelle puis, au cours de sa croissance, devient mâle. On parle de protogynie.
- l’individu change plusieurs fois de sexe au cours de sa croissance. On parle d’hermaphrodisme alternant.
A l’heure actuelle, on considère que Cheilinus undulatus présente un hermaphrodisme successif protogyne. Tous les individus naissent donc femelles. La maturité sexuelle est atteinte entre 5 et 7 ans, lorsque le poisson atteint environ 60 cm de long ; selon les sources, le changement de sexe aurait lieu à environ 15 ans, lorsque la taille du poisson avoisine 110 cm, ou dès 9 ans, alors que le poisson mesure environ 70cm. Officiellement, l’espérance de vie du napoléon est de 25 ans pour les mâles et 32 ans pour les femelles, mais il semble que ces âges pourraient être largement dépassés. Certains évoquent même plus de 50 ans !
Une seule menace : la surpêche
Du fait de sa reproduction lente et de son hermaphrodisme, Cheilinus undulatus est dépendant des mesures de conservation : partout où il ne fait l’objet d’aucune protection, ses effectifs diminuent très rapidement. Il n’existe pas d’estimation concernant la population mondiale de l’espèce mais selon l’UICN, même dans les zones où il n’est pas pêché, on trouve rarement plus de 10 napoléons pour 10 000 m², ce qui fait de lui un poisson « naturellement peu commun ». Les effectifs de l’espèce auraient diminué de 50% au cours des 30 dernières années. A Sabah, sur la partie nord de l’île de Bornéo, 99% des napoléons auraient déjà disparu : les quotas de pêche, basés sur des critères économiques plutôt que biologiques, ont poussé l’espèce vers l’extinction.
L’immense majorité des importations sont enregistrées en Chine et à Hong Kong, où la chair du labre géant peut atteindre 100 $ par kilogramme sur les marchés et le double dans les restaurants asiatiques. Les lèvres épaisses de ce poisson peuvent à elles seules être vendues entre 400 et 500$. Très lucratif, le commerce de napoléon a donc mené à une surexploitation de l’espèce.
A la ligne, à la lance, au filet, au fusil sous-marin, Cheilinus undulatus est victime de nombreux modes de pêche et est une cible facile du fait de sa sédentarité. Les plus grands ravages sont cependant causés par la pêche au cyanure, largement utilisée en Asie du sud-est depuis les années 1960 : le plongeur peut, grâce à cette substance toxique, assommer le poisson et le capturer vivant, ce qui permet de multiplier sa valeur. Selon un rapport de TRAFFIC, réseau de surveillance du commerce de la faune et de flore sauvages, entre 2006 et 2013, près de 65 000 spécimens vivants auraient ainsi été vendus dans le monde. La plupart d’entre eux mesuraient moins de 50 cm, ce qui indique qu’il s’agissait encore de juvéniles et, du fait du mode de reproduction de l’espèce, a conduit à un fort déséquilibre du ratio mâle-femelle de l’espèce.
Le cyanure a toutefois des effets dévastateurs sur l’environnement : si les doses utilisées sont soigneusement calculées pour ne pas tuer le poisson, elles suffisent largement à empoisonner les algues, coraux, éponges et autres invertébrés environnants, conduisant ces organismes à la mort et modifiant définitivement l’aspect des fonds marins. Ce type de pêche n’est par ailleurs pas réservé au napoléon, puisqu’une étude publiée en 2016 a démontré que la moitié des poissons pêchés pour les aquariums sont capturés au cyanure.
Conservation
Les premières mesures de conservation concernant Cheilinus undulatus sont apparues en Indonésie en 1995. Elles instauraient des mensurations minimales et maximales pour les spécimens autorisés à l’exportation : les individus de plus de 3 kg devaient être relâchés, ceux entre 1 et 3 kg pouvaient être commercialisés, et ceux pesant moins d’un kilogramme devaient rejoindre des bassins d’élevage. Dans ces derniers, les napoléons étaient nourris jusqu’à atteindre un poids admissible, puis ils étaient commercialisés. La totalité des napoléons issus de la pisciculture étaient donc, en réalité, des spécimens sauvages.
L’année suivante, en 1996, l’UICN juge que l’espèce est « vulnérable » à l’extinction. En Australie occidentale, les premières mesures de protection émergent en 1998, année au cours de laquelle deux fois moins de spécimens sont pêchés qu’en 1991, ce qui laisse penser que l’espèce est sur le déclin. Il faudra attendre 2003 pour que la même mesure soit prise à l’est du pays, dans les eaux du Queensland et de la Grande Barrière de Corail.
En 2004, l’UICN change le labre géant change de catégorie et le classe « en danger » d’extinction. La même année, il intègre l’Annexe II de la CITES : si cette mesure n’interdit pas l’exploitation de l’espèce, elle l’encadre fortement. En Indonésie, l’un des trois principaux exportateurs de l’espèce, des quotas annuels sont fixés pour limiter le commerce de spécimens vivants. Ils passent de 8000 en 2006 à 2000 en 2012 et, selon la CITES, n’ont jamais été dépassés… ni même atteints : l’année la plus importante en terme d’exportations est 2007, avec 6 228 spécimens vivants. En 2013, le nombre de spécimens vivants vendus dans le monde a chuté à environ 550 par an.
Si les mesures de protection ont permis de réduire les exports de napoléons, des indices montrent que des activités illégales se poursuivent. En novembre et décembre 2014, par exemple, une étude de l’Université d’Hong Kong mentionne la présence de 157 napoléons vivants, alors que le Ministère de l’agriculture, de la pêche et de la conservation n’a enregistré que 150 labres géants importés en 2014. Au moins sept napoléons ont donc été importés illégalement cette année-là.
Entre 2010 et 2015, une seule saisie de marchandise illégale par les autorités portuaires a été recensée : il s’agissait d’un navire en provenance d’Indonésie ayant accosté à Hong Kong en 2010. Sa cargaison comptait 53 napoléons alors que le permis n’en autorisait que 50. Les trois poissons en excédent ont été saisis par les autorités et le reste de la cargaison a été importée en toute légalité.
Pour lutter contre ces pratiques, le rapport de TRAFFIC recommande par exemple de multiplier les contrôles à l’approche du nouvel an chinois ou de la saison des mariages et de renforcer les inspections de navires à Hong Kong et en Chine. Les contenus de toutes les cargaisons doivent aussi être soigneusement rapportés à la CITES.
3 Réponses to “Le napoléon ou labre géant”
18.06.2018
VelaneBonjour
Je reviens des Polynesie ou j’ai croisé 2 Napoleons sur Tikehau , en baptême de plongée 🙂
Cdlmt
29.04.2018
HasléBonjour,
je viens de faire de la plongée en apné vers HURGHADA et j’ai vu un Napoléon à plusieurs reprises.
18.04.2018
Je germainBonjour, j’habite en Guadeloupe et suis plongeur en apnée et la dernière fois que j’ai croisé un napoleon c’était en 1983 à la Désirade , depuis plus un seul ni dans l’eau ni sur les étales des poissonniers .