D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le glouton – aussi appelé carcajou ou Gulo Gulo de son nom scientifique – n’est pas une espèce menacée. L’organisme basé en Suisse le classe dans la catégorie « peu concerné » par l’extinction. Son aire de distribution, très large, s’étend sur toute la partie boréale de l’hémisphère Nord, du Canada et du Nord des Etats-Unis en passant par la Scandinavie et le Nord de l’Asie (Russie, Chine et jusqu’à la Mongolie). Cependant, beaucoup de scientifiques s’inquiètent de son sort, en particulier en Amérique du Nord. Là-bas, ce mustélidé voit ses populations se réduire en même temps que son habitat disparaît ou se dégrade. Et les mesures pour empêcher son déclin peinent parfois à se mettre en place.
Projet avorté aux Etats-Unis
Les populations de gloutons déclinent fortement aux Etats-Unis depuis le XXème siècle. Persécutés car considérés comme dangereux pour l’homme en raison de leur férocité, ces carnivores ont été largement chassés et piégés. D’autant que leur épaisse fourrure est très recherchée. Résultat dans plusieurs régions, ils ont fait l’objet d’une chasse excessive. Aujourd’hui bien que réglementée, leur chasse continue. A cela s’est ajouté une réduction et une dégradation progressive de leur habitat naturel.
Alors depuis maintenant plusieurs années, des organisations environnementales mais aussi des scientifiques demandent à ce que l’espèce soit inscrite dans l’Endangered Species Act et soit enfin protégée à l’échelle nationale. Le carcajou serait ainsi considéré comme une espèce menacée de disparition, un statut qui permettrait de mettre en place des mesures de conservation plus poussées.
Seulement voilà, le département américain Fish and Wildlife Service a rendu son verdict en octobre 2020 et la réponse est : non, le glouton ne sera pas inscrit sur l’Endangered Species Act. Un refus qui sonne comme un coup dur pour les organismes qui le défendent, mais qui n’est pas réellement une surprise.
« Le Fish and Wildlife Service a constamment refusé les demandes de classement des carcajous comme menacés ou en voie de disparition », explique en effet The Earth Institute. Ce n’est donc pas la première fois que les Etats-Unis réfléchissent à protéger le glouton au niveau fédéral, puis finalement y renoncent.
Situation préoccupante au Canada
Au Canada, le déclin de l’espèce a quant à lui démarré au XIXème siècle. Depuis, son aire de répartition historique a réduit d’un tiers environ, au point que sa situation est jugée « préoccupante » par le gouvernement canadien.
« Bien que des augmentations de population semblent avoir lieu dans certaines parties des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut, du Manitoba et de l’Ontario, des déclins ont été observés dans la partie sud de l’aire de répartition, par exemple en Colombie-Britannique, et les populations d’une grande partie de l’aire de répartition (Québec et Labrador) ne se sont pas rétablies. L’espèce pourrait avoir disparu de l’île de Vancouver », note ainsi en 2014 Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC).
Autrement dit, le carcajou a désormais disparu d’une grande partie du Sud et de l’Est du Canada. Et ce, alors qu’avant l’arrivée des premiers colons européens, il peuplait tout le pays.
Aujourd’hui, le mustélidé est inscrit en annexe I de la Loi sur les espèces en péril (LEP) qui liste les espèces sauvages considérées comme en danger au Canada. Il occupe le statut « préoccupant », derrière « disparu », « en voie de disparition » et « menacé ».
Disparition de son habitat
Si l’espèce décline, c’est parce que des menaces de plus en plus fortes pèse sur elle. Le glouton a besoin d’un milieu naturel vaste et préservé pour trouver la nourriture dont il a besoin. Nomade, il peut lui arriver de parcourir de longues distances – jusqu’à 40 km par jour ! – avant de trouver une carcasse ou une proie pour se nourrir. C’est pourquoi il vit dans des habitats plutôt divers, aussi bien dans des régions boisées que dans des environnements plus clairsemés et à différentes altitudes. Un mâle peut établir son territoire sur 230 à 1580 km² et les femelles entre 50 et 400 km², c’est dire s’il a besoin d’espace !
Or comme évoqué plus haut, son aire de répartition historique n’a fait que diminuer au fil des ans. L’expansion urbaine et le développement de l’exploitation des ressources naturelles (pétrole, gaz, mines, bois) ont fortement réduit et fragmenté l’habitat naturel du glouton. Sans compter l’activité agricole qui a, elle aussi, impacté son environnement.
Ce besoin d’espace complique tout particulièrement la mise en place de mesures de conservation à son égard. En effet, impossible en l’état actuel des choses de faire de l’habitat des gloutons un parc ou une réserve protégée tant l’étendue à protéger est grande. Difficile aussi de parquer les individus dans des espaces plus petits, pourvus qu’ils soient sous protection.
La solution serait plutôt d’étudier les mouvements des gloutons et de protéger des corridors naturels afin de favoriser les rencontres entre d’éventuels partenaires et ainsi limiter la consanguinité au sein des groupes.
Réchauffement climatique
Et puis, une autre menace guette l’espèce : le réchauffement climatique. Le glouton a une affection toute particulière pour la neige et les températures froides.
Lorsque l’hiver arrive, les femelles s’enfouissent profondément dans la neige et creusent des trous pour y créer leur tanière où elles donneront naissance à leurs petits. A noter que la moindre perturbation d’origine humaine (motoneiges, activités sportives comme le ski, etc.) peut parfois contraindre la femelle à abandonner sa tanière et donc nuire à la survie des juvéniles.
Les scientifiques ont également repéré que le carcajou se reproduisait uniquement dans les endroits où la couverture neigeuse subsistait au moins jusqu’au mois d’avril.
La neige sert aussi de réfrigérateur naturel puisque les gloutons enterrent leur nourriture dedans afin de la garder au frais et pouvoir y revenir plus tard.
Toutes ces menaces sont d’autant plus préoccupantes que l’espèce a un taux de reproduction faible, qui ne permet pas à une population de rapidement se rétablir. Les portées se composent de deux à trois petits en moyenne, mais les femelles n’en ont pas tous les ans. Lorsque la nourriture se fait rare, il arrive qu’il n’y ait pas de naissance.
Le rôle du carcajou dans la nature
Le carcajou est un charognard solitaire. Comme tous les charognards, il joue donc un rôle essentiel dans l’écosystème en débarrassant la nature des carcasses d’animaux avant que des maladies ne se développent.
Grâce à leur agilité, leurs pattes larges et leurs griffes affûtées et semi-rétractiles, les carcajous sont d’excellents grimpeurs capables de monter aux arbres ou d’accéder à une carcasse même dans les endroits les plus escarpés.
Mais le carcajou est avant tout opportuniste. Alors si la charogne constitue l’essentiel de son régime alimentaire l’hiver, il lui arrive aussi de chasser des proies de tailles diverses lorsque l’occasion se présente. Ce faisant, il participe à la régulation d’espèces de rongeurs notamment, ainsi que d’ongulés.
1 réponse to “Le glouton – ou carcajou – décline mais reste peu protégé”
11.12.2020
NestorBonjour. Comme Biologiste-Environnementaliste, MSC, j’intervient en disant que la protection est réelle mais qu’il faut chercher encore d’autres causes d’extinction d’espèces. L’espèce elle-même peut disparaitre sans cause visible!