Dans le domaine de la perception olfactive, les humains et les papillons à soie sont très différents. Les humains des deux sexes partagent un niveau similaire de développement olfactif.
Alors que les femmes possèdent un nombre légèrement plus élevé de neurones olfactifs, ce qui leur confère un odorat légèrement plus aigu, les hommes et les femmes perçoivent généralement les mêmes odeurs.
Cela contraste fortement avec le monde des papillons à soie, où les mâles et les femelles habitent des univers olfactifs très différents.
« nez » spécialisé des papillons à soie mâles
Les papillons mâles possèdent des antennes qui agissent comme un « nez » hautement spécialisé, réglé pour détecter les phéromones sexuelles femelles. À l’inverse, les papillons femelles n’ont pas la capacité de sentir leurs propres phéromones.
Ces antennes sont ornées de milliers de sensilles, des structures ressemblant à des cheveux, classées en groupes morphologiques et fonctionnels distincts.
Chez les papillons mâles, les sensilles les plus répandues sont allongées et abritent deux neurones sensoriels. Un neurone est capable de détecter le bombykol, la phéromone sexuelle de la femme.
L’autre réagit au bombykal, un composé présent dans les phéromones d’autres espèces de papillons. Curieusement, le bombykol est un attractif pour les papillons mâles, tandis que le bombykal agit comme un moyen de dissuasion.
Papillons à soie femelles : un rôle sensoriel différent
« Comme les femelles ne peuvent pas sentir leur propre phéromone, on a longtemps pensé que leurs longues sensilles avaient également une fonction très spécifique que l’on ne trouve que chez les femelles », explique Sonja Bisch-Knaden, responsable d’un groupe de projet à l’Institut Max Planck de chimie. Département d’Écologie de Neuroéthologie Évolutionnaire.
« Après l’accouplement, la seule tâche de la femelle est de trouver une plante appropriée sur laquelle pondre ses œufs. Il a donc été suggéré que les longues sensilles des femelles soient spécialisées pour détecter l’odeur attractive des mûriers. Nous voulions tester cette hypothèse.
Recherches innovantes et découvertes surprenantes
L’équipe a utilisé des méthodes électrophysiologiques telles que l’enregistrement monosensillaire pour mesurer l’odeur du papillon à soie et l’activité de chaque sensille.
Leurs recherches se sont étendues au-delà des odeurs isolées pour englober des mélanges d’odeurs naturelles, notamment celles des feuilles de mûrier, des excréments de chenilles, de l’odeur corporelle des papillons de nuit et du méconium, une sécrétion émise par les papillons à l’éclosion.
Ces odeurs, qui font partie intégrante du paysage écologique du papillon à soie, avaient été entièrement collectées. Les chercheurs ont réussi à corréler l’expression des récepteurs olfactifs avec des types spécifiques de sensilles.
« Nous avons été surpris de constater que les neurones de la longue sensille des papillons à soie femelles n’étaient pas spécialisés pour détecter l’odeur de la plante hôte, comme prévu, mais que l’un des deux neurones de la longue sensille est très sensible aux odeurs telles que l’acide isovalérique. et le benzaldéhyde. La détection de l’odeur de la feuille de mûrier elle-même est réalisée par les neurones des sensilles de longueur moyenne », résume Sonja Bisch-Knaden.
Étudier le comportement olfactif des papillons à soie
Un simple test de labyrinthe en Y, qui offre le choix entre un parfum et un air pur, a révélé des différences intrigantes dans les réponses des papillons à soie femelles vierges et accouplées.
Les femelles vierges n’ont montré aucune réaction spécifique aux odeurs associées aux excréments de chenilles. Cependant, ces mêmes odeurs repoussaient les femelles accouplées.
Cela suggère que l’odeur des excréments peut éloigner les femelles des mûriers qui hébergent déjà des vers à soie, garantissant ainsi un meilleur environnement pour la ponte.
Depuis la découverte du bombykol, la phéromone femelle du papillon à soie, en 1959, son homologue insaisissable chez le papillon à soie mâle est resté non identifié. L’étude actuelle fournit des informations mais ne parvient pas à révéler une phéromone masculine.
« Le deuxième neurone de la longue sensille des femelles est hautement spécifique du (+)-linalol, une odeur déjà identifiée comme composant de la phéromone mâle chez d’autres espèces de papillons. Cependant, aucun linalol n’a pu être trouvé dans l’odeur corporelle des papillons à soie mâles, et le (+)-linalol seul n’a eu ni effet attrayant ni répulsif sur les papillons à soie femelles lors d’expériences comportementales », note Sonja Bisch-Knaden.
Récepteurs olfactifs : système complexe des papillons à soie
Un aspect remarquable de l’étude est la découverte de l’organisation spatiale des récepteurs olfactifs des papillons à soie.
Les papillons à soie possèdent deux familles de récepteurs : les récepteurs ionotropes (IR), détectant principalement les acides, et les récepteurs odorants (OR), sensibles à une variété de composés chimiques.
Contrairement aux croyances antérieures basées sur des études sur la mouche modèle Drosophila melanogaster, les papillons à soie ont des neurones dans leur longue sensille qui co-expriment à la fois les IR et les OR.
Cette co-expression unique élargit la sensibilité chimique des neurones sensoriels, permettant le traitement et la transmission combinés des odeurs détectées par les deux types de récepteurs. Cela pourrait être vital pour la détection claire de mélanges d’odeurs écologiquement significatifs.
« Il est étonnant que la recherche sur l’olfaction des insectes continue de produire des résultats surprenants. Notre étude montre qu’il est important d’étudier plus qu’un seul modèle », explique Bill Hansson, chef du département de neuroéthologie évolutionniste.
Il est intéressant de noter que cette co-expression de types de récepteurs se retrouve également dans la longue sensille des papillons à soie mâles, ce qui laisse entendre que la détection de l’acide pourrait également être écologiquement significative pour eux. Les recherches futures visent à approfondir cette question.
En résumé, cette recherche remet en question les hypothèses de longue date sur les capacités sensorielles des papillons à soie et améliore notre compréhension de l’interaction complexe entre les organismes et leurs environnements.
L’étude complète a été publiée dans la revue Actes de la Royal Society B Biological Sciences.
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