Lorsqu’on parle des félins menacés en Asie, les premières espèces qui viennent en tête sont généralement le tigre et la panthère des neiges. En revanche, on oublie souvent la panthère nébuleuse. Ces dernières années, leurs populations sauvages ont drastiquement diminué au point de ne plus compter que 10 000 individus pour les deux espèces réunies sans qu’aucune mesure de conservation ciblée ne soit mise en œuvre.
Non pas une mais deux espèces de panthères nébuleuses
Ce félin de taille moyenne regroupe en réalité deux espèces distinctes : la panthère nébuleuse (Neofelis nebulosa) et la panthère nébuleuse de Bornéo (Neofelis diardi) considérée comme une sous-espèce jusqu’en 2007. Neofelis nebulosa vit dans les contreforts de l’Himalaya, principalement au Népal, en Chine mais aussi dans les pays alentours jusqu’en Thaïlande et en Malaisie. Neofelis diardi, quant à elle, peuple uniquement les îles de Sumatra et de Bornéo. Elle se distingue de sa cousine du continent asiatique par un pelage plus sombre et des taches plus petites et davantage morcelées. Toutes deux habitent les milieux forestiers. Grâce à leurs pattes larges et leur longue queue, elles sont très agiles dans les arbres, se déplaçant de façon chaloupée sur les branches ou s’étendant de tout leur long sur l’une d’elles pour dormir.
Un félin méconnu
Pourquoi un tel désintérêt ? Peut-être parce que la panthère nébuleuse sait se faire discrète et est difficilement observable dans la nature. Résultat, même les hommes qui vivent à proximité de son aire de répartition ne la connaissent que très peu. Au Népal, un seul et même mot désigne de façon similaire un tigre et une panthère. Il n’existe par ailleurs aucun terme pour nommer la panthère nébuleuse. « Beaucoup de Népalais, y compris les gardiens de villages à côté du territoire de ce félin, ne savent même pas que cette panthère existe ou que son existence est menacée », rapportait en août 2018 Nepali Times, un journal britannique sur l’actualité du Népal. Même la toute première journée mondiale de la panthère nébuleuse, instaurée le 4 août 2018 dans le but d’alerter le public quant à la situation précaire de ce félin, n’a trouvé que peu d’échos à l’échelle internationale. Il y a donc encore un long chemin à parcourir pour éveiller les consciences.
Moins de 10 000 individus dans la nature
Or, il semble y avoir urgence. Bien que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) classe ces deux espèces dans sa catégorie « vulnérable », la première des trois étapes avant l’extinction à l’état sauvage, la situation des panthères nébuleuses pourrait être bien plus critique. Les quelques études réalisées sur les deux espèces laissent entendre qu’il existerait désormais moins de 10 000 individus matures et que les populations continuent de diminuer. Leur nombre exact est en revanche inconnu.
Perte d’habitat
La principale menace qui pèse sur la panthère nébuleuse, c’est la disparition de son habitat. La cause : une déforestation massive au profit de la construction d’habitations mais surtout de l’agriculture, plantations de palmiers à huile en tête, en particulier à Sumatra et Bornéo. « L’Asie du Sud-Est, qui représente la majeure partie de l’aire de répartition actuelle de la panthère nébuleuse, connaît actuellement le taux de déforestation le plus rapide du monde : 1,2 à 1,3 % par an en moyenne depuis 1990 », rappelle Dr. Wai-Ming Wong de Panthera, une ONG dédiée à la protection des félins sauvages. Pour lui, la déforestation est responsable de la disparition de 64 % de l’aire de répartition originelle de la panthère nébuleuse et de 56 % de celle de la panthère nébuleuse de Bornéo. « Les deux espèces n’existent plus que dans de petits fragments d’habitat isolés », ajoute le scientifique de Panthera.
Braconnage
Ce félin asiatique est également menacé par le braconnage. Les deux espèces sont pourtant inscrites à l’annexe I de la Cites, leur commerce international est donc interdit. Par ailleurs, elles font l’objet d’une protection dans tous les pays où elles vivent. Leur chasse est donc strictement interdite et censée faire l’objet de poursuites judiciaires. Mais sur le terrain, le braconnage ne s’est pas arrêté. La panthère nébuleuse est en effet très recherchée pour sa peau tachetée. Des peaux de léopards sont d’ailleurs vendues en toute impunité sur des marchés comme « le marché Tachilek le long de la frontière entre la Thaïlande et Myanmar et le marché de Mong La, à la frontière entre Myanmar et la Chine », révèle Dr. Wai-Ming Wong. La panthère nébuleuse sert aussi de plus en plus de substitut aux braconniers qui ne trouvent plus suffisamment de tigres à traquer.
Absence de mesures fortes de conservation
Malgré toutes ces menaces, aucune action ciblée n’a encore été mise en place sur le terrain pour protéger la panthère nébuleuse. Bien sûr, il existe des programmes de sauvegarde pour d’autres espèces emblématiques comme le tigre par exemple, et qui profitent par ricochet à la panthère nébuleuse. Mais cela ne suffit plus, craint Dr. Wai-Ming Wong. « Avec moins de 10 000 individus pour les deux espèces, il est crucial de commencer à mettre en œuvre des mesures de conservation spécifiquement ciblées », explique-t-il. Il faut tout d’abord commencer par connaître mieux ces deux espèces et tenter d’établir des recensements de populations. « Nous devons identifier les zones prioritaires et les relier entre elles, puis rechercher une meilleure gestion des aires protégées et travailler avec le secteur agricole pour développer davantage de pratiques respectueuses de la faune afin que les panthères puissent se déplacer en toute sécurité à travers ces paysages agricoles », conclut-il.
par Jennifer Matas
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