A Paris, le 23 novembre dernier, Réseau-Cétacés et Pascal Durand, député Européen, organisaient une projection gratuite du documentaire « The Cove, la Baie de la Honte » réalisé en 2009. Moins connu que « Blackfish » qui est pourtant dans la même veine, « The Cove » dénonce le massacre de milliers de dauphins dans la baie japonaise de Taiji.
La baie de Taiji, théâtre d’un abattage massif de dauphins
C’est un soir pluvieux sur la capitale ; cela explique peut-être le peu de monde venu assister à la projection, ou bien la raison se trouve-t-elle dans le fait que le documentaire diffusé date de 8 ans maintenant. Pourtant, le film tourné par Louie Psihoyos en 2009 est toujours d’actualité. Chaque année, de septembre à mars, la baie de Taiji au Japon est le théâtre d’un abattage massif de dauphins. 23 000 cétacés sont ainsi décimés dans tout le Japon dont un quota officiel de 1940 dauphins (chiffre de la saison 2017-2018) à Taiji. Neuf espèces sont autorisées :
- Les dauphins bleus et blancs, Stenella coeruleoalba
- Les grands dauphins, Tursiops truncatus
- Les dauphins tachetés pantropicaux, Stenella attenuata
- Les dauphins de Risso, Grampus griseus
- Les dauphins à flancs blancs du Pacifique, Lagenorhynchus obliquidens
- Les globicéphales, Globicephala
- Les pseudorques ou fausses orques, Pseudorca crassidens
- et pour la première fois cette année les dauphins à bec étroit (Steno bredanensis) et les dauphins d’Electre (Peponocephala electra)
Ces espèces de petits cétacés – en opposition aux baleines, orques et cachalot qui sont des grands cétacés – ne sont pas considérées comme menacées par l’UICN : elles sont pour la plupart classées « least concern », donc littéralement peu concernées par l’extinction.
Une chasse aux dauphins devenue inutile et dangereuse pour l’Homme
Pour autant, le documentaire met le doigt sur un paradoxe énorme. Les dauphins de la Baie de Taiji sont rabattus vers la côte pour alimenter deux marchés : les delphinariums et l’alimentaire. Or, si la viande de ces cétacés étaient nécessaires dans les siècles précédents pour trouver un apport de protéines, d’après le documentaire elle serait aujourd’hui nocive. Le taux de mercure de la viande de dauphin serait jusqu’à 200 fois supérieur à la limite autorisée, ce qui cause des dommages évidents sur la santé, notamment au niveau neurologique et moteur. D’après Futura Planète, la maladie de Minamata aurait touché 13 000 personnes après le déversement de 400 tonnes de mercure entre 1932 et 1966 dans la baie du même nom. Pourtant, le gouvernement japonais perdure à autoriser cette pratique, allant jusqu’à vendre la viande de dauphin sous un autre nom pour tromper le consommateur. Le documentaire dénonce également le lobbying du Japon lors des réunions de la commission baleinière internationale (CBI) avec certaines des scènes les plus atterrantes et cocasses du documentaire.
Porté par Richard (Rick) O’Barry, ancien dresseur des dauphins de la série « Flipper » aujourd’hui repenti, le documentaire est tourné comme un film d’action. Instructif, il braque le projecteur sur la baie de Taiji bien qu’il ne s’agisse pas du site de chasse de cétacés le plus important du pays. D’après le journal Le Monde, « un plus grand nombre de dauphins (13 000) sont tués au large du département d’Iwate (nord du Honshu) ». Pointé du doigt pour son « attitude méprisante vis-à-vis des Japonais » (critique avec laquelle nous ne sommes pas d’accord), le reportage dépeint le quotidien d’activistes prêts à tout pour ramener des images du massacre du Taiji. Après la projection, Sandra Guyomard, présidente de l’association Réseau-Cétacé, désamorcera d’ailleurs immédiatement la polémique en insistant sur le faible nombre de Japonais cautionnant cette tradition. Pascal Durand, député européen et membre du Groupe Verts / ALE, en profitera d’ailleurs pour rappeler que plus près de nous, dans les îles Féroé (Danemark), un massacre équivalent a lieu tous les ans. Appelée « Grindadrap », cette chasse aux globicéphales a lieu toute l’année mais plus particulièrement l’été. De plus en plus médiatisées, ces scènes de massacre émeuvent le grand public mais ne suffisent pas encore à faire changer les choses.
Récompensé par le prix du public au festival Sundance de 2009 et l’Oscar du meilleur documentaire en 2009, « The Cove, la Baie de la Honte » est passé relativement inaperçu en France. Bien que totalement engagé et donc à regarder avec un esprit critique, le film révèle l’ampleur d’une chasse devenue inutile – voire dangereuse pour l’Homme – et d’un lobbying intensif. Tout comme « Blackfish », il est disponible gracieusement en contactant l’association Réseau-Cétacés et continuera à être diffusé lors de projection-débat dès que l’occasion se présente.
NDLR : la page Facebook de Réseau-Cétacés tient quotidiennement au courant de la situation dans la baie de Taiji où deux membres de l’association se rendront début 2018.
0 réponse à “Le film « The Cove » met le projecteur sur la chasse des dauphins au Japon”